Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/511

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Le Roy ne s’aperçeut pas plus toſt de la violence de ſa paſſion, qu’il la deſcouvrit à Philoxipe : & qu’il le pria de le vouloir ſervir aupres d’Arctaphile ; qui en ce temps là voyoit tres ſouvent la Princeſſe Agariſte, Sœur de Philoxipe. Vous pouvez juger que ce Prince ne luy refuſa pas ſon aſſistance, puis que ſon affection eſtoit honneſte : Ce n’eſt pas que quelquefois il ne demandaſt pardon au Roy, de ce qu’il ne le plaignoit pas aſſez dans ſes inquietudes : Car, luy diſoit il, Seigneur, comme l’amour eſt un mal que je ne connois point ; & que j’ay meſme peine à imaginer auſſi grand qu’on le repreſente : je vous advouë que je ne ſens pas pour voſtre Majeſté, toute la compaſſion que je devrois peu eſtre ſentir : & que peut-eſtre auſſi je n’exagere pas comme il faut toutes vos douleurs, lors que je parle à la Princeſſe Aretaphile. Ne craignez pas Philoxipe, luy diſoit le Roy, que je me pleigne de voſtre inſensibilité : au contraire, ſi vous aviez l’ame plus tendre, je ne vous aurois pas choiſi pour le Confident de ma paſſion : & ſi ſe croyois que vous puſſiez devenir mon Rival, je ne vous donnerois pas la commiſſion de parler ſi ſouvent à la Princeſſe que j’ayme. Si j’avois deſſein de vous raconter les amours du Roy, je vous dirois de quelle façon il par la de ſa paſſion à Arctaphile la premiere fois : comment il en fut reçeu, & combien de Feſtes & de galanteries l’amour de ce Prince cauſa dans toute la Cour. Mais comme je ne vous en parle, que parce que cette amour eſt en quelque ſorte inſeparable de l’avanture de Philoxipe ; je vous diray ſeulement, qu’encore qu’Aretaphile fuſt ravie de l’amour du Roy : neantmoins comme elle ſongeoit à la Couronne de Chipre, elle creût qu’il faloit un peu deſguiser ſes ſentimens : & rendre ſa conqueſte plus malaiſée au Roy,