Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que le combat se devant faire de nuit, les Arcs & les fléches leur eussent esté inutiles.

Artamene fut si heureux, qu’il trouva les Ennemis bien avant dans leur sommeil, ce qui ne facilita pas peu son entreprise : Comme ils sçavoient que l’Armée du Roy de Pont estoit en presence de la nostre, ils n’imaginerent point du tout, qu’ils pussent estre attaquez : de sorte qu’ils dormoient profondément, sans aucune crainte de surprise. Leur Garde avancée ne laissa pourtant pas de faire son devoir : mais elle fut poussée avec tant de promptitude, qu’auparavant que les Soldats fussent recueillez ; qu’ils se fussent rangez sous leurs Enseignes ; & qu’ils se fussent mis en deffence : il y en avoit desja beaucoup de tuez. Celuy qui commandoit ces Troupes, & qui s’apelloit Imbas, estoit extrémement vaillant : aussi le monstrra t’il bien en cette occasion, puis que malgré cette surprise & le desordre de son Armée, il r’assembla un gros assez considerable : & s’opposa si fortement & si genereusement à Artamene ; qu’il y eut des moments où il desespera de la victoire. Jamais il ne c’est rien entendu dire de pareil, à ce que m’ont raporté ceux qui se trouverent en ce combat : car apres que le premier choc fut passe, où Artamene avoit tant recommandé le silence ; il commença de se faire connoistre à la voix, afin d’encourager les siens : & comme tous luy vouloient respondre, & se vouloient faire entendre à luy ; de toutes ces voix esclattantes, qui ne parloient que de mort & de Triomphe ; il se fit un bruit si grand & si espouvantable, que les Ennemis creurent qu’ils avoient esté mal advertis : & que les nostres estoient plus de trente mille hommes. La nuit quoy qu’obscure, parce que la Lune