Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’esclaircit point ; ne l’estoit toutefois pas si fort, qu’à la faveur des Estoiles, l’on ne s’entrevist les uns les autres : & ce fut aussi par cette sombre lumiere, qu’Artamene ne laissa pas de garder quelque ordre, en un combat où il y avoit tant de desordre & tant de confusion. Comme il vit donc qu’il y avoit un gros qui faisoit ferme, & qui luy resistoit ; il se douta bien qu’Imbas, qu’il connoisoit pour homme de cœur, & qu’il sçavoit qui commandoit cette Armée ; retenoit ce gros en son devoir : mais comme il ne le pouvoit voir distinctement pour l’attaquer, il s’avisa d’une ruse qui luy reüssit. Il se mit donc à crier aussi haut qu’il le pût ; Si le vaillant Imbas veut vaincre, que ne vient il combattre Artamene, & luy disputer la Victoire en personne ? A ces paroles, le hazard qui se mesle de toutes choses, fit qu’Imbas se trouvant fort proche de luy, se tourna de son costé : & allant à Artamene l’Espée haute ; je ne pensois pas, luy dit-il, avoir un si illustre ennemy si prés de moy : ny une si legitime excuse de ma deffaite si elle arrive. A ces mots ils s’aprochent ; ils se battent ; & se parlent de temps en temps, de peut que la presse ne les separe, & qu’ils ne se connoissent plus : mais à la fin Mon Maistre estant le plus fort & le plus heureux, luy fit sauter l’Espée des mains : & luy saisissant la bride ; il le menaça de le tuer s’il ne se rendoit. Imbas se voyant en cét estat, ne fit aucune difficulté de se rendre : & Artamene l’ayant donné en garde à quatre des siens, fut achever de vaincre tout ce qui resistoit encore. L’on voyoit la Cavalerie d’Artamene, renverser l’Infanterie Phrigienne sous les pieds de ses chevaux : & l’on voyoit presque toute l’Infanterie Capadocienne, estre devenuë Cavalerie :