Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/535

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dans ces Bois ? Seigneur, luy dit elle, l’on m’apelle Policrite : mon Pere ſe nomme Cleanthe, & ma Mere Megiſto : Mais pour ces Dieux que vous dittes qui m’enſeignent, pourſuivit elle en ſous-riant, ils m’ont encore apris ſi peu de choſes, que je ne sçay pas meſme la civilité : & pour vous le teſmoigner, je prens la hardieſſe de vous dire, que puis que les perſonnes de qui je dépends ne font point icy, je voudrais bien que vous ne trouvaſisez pas mauvais que je vous ſuppliasse de ne tarder pas davantage en un lieu où vous auriez plus d’incommodité que de plaiſir. Ce que vous me dittes, repliqua Philoxipe, ne me fera pas changer d’avis : & il faut ſans doute encore une fois, que les Dieux vous ayent inſpiré en un moment ; ce que les autres ont bien de la peine à apprendre en toute leur vie. Car que vous ſoyez la plus belle Fille du monde, & plus belle ſous une Cabane, que les Reines ne font dans leurs Palais, quoy que cela ſoit rare, il ne paroiſt pas impoſſible : Mais que vivant parmy des Bois & des Rochers, vous agiſſiez & parliez comme vous faites, ha belle Policrite, c’eſt ce que je ne puis comprendre : & je ne puis m’imaginer, que l’Iſle de Chipre vous ait veû naiſtre parmy ces Rochers ſauvages. Il eſt certain Seigneur, reprit cette Fille, que je ne ſuis pas née en cette Iſle : mais je ſuis partie de celle de Crete ſi jeune, que je ne m’en ſouviens preſque point : Bien eſt il vray que la converſation que j’ay icy, ne me peut pas avoir donné l’accent du Païs : car je ne parle au ce perſonne, qu’avec ceux qui font dans cette Maiſon, qui ne font pas de Chipre non plus que moy. Quoy Policrite, reprit Philoxipe, vous paſſez toute voſtre vie ſans parler, & vous parlez comme vous faites ! encore une fois, cette