Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/539

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de mon âge, a quelque peine à s imaginer, qu’il puiſſe ſervir de quelque choſe, à un Prince comme vous. La Vertu, luy reſpondit Philoxipe, ſe fait des Amis de tous âges, & de toutes conditions : Mais Cleanthe, je ne demande plus qui a apris à parler à Policrite, apres vous avoir entendu : mais je vous demande à vous meſme, ſi c’eſt par neceſſité ou par choix, que vous habitez cette petite Maiſon ? Car ſi c’eſt le premier, vous n’y demeurerez pas long temps : & ſi c’eſt le dernier, je viendray quelque fois l’habiter aveque vous. Seigneur, luy repliqua Cleanthe en ſous riant, les petites Cabanes ne doivent point eſtre la demeure des Grands Princes : Il eſt vray, reprit Philoxipe, mais les grandes Vertus ne doivent pas non plus habiter dans les petites Cabanes, & ſeroient beaucoup mieux dans de grands Palais : c’eſt pourquoy je vous offre ma Maiſon de Clarie : où vous & toute voſtre Famille ferez plus commodément qu’icy Seigneur, reſpondit Cleanthe, il eſt beau à une Perſonne de voſtre condition & de voſtre vertu de vouloir ſecourir les malheureux : mais il ne ſeroit pas juſte, d’abuſer de cette bonté ; qui peut-eſtre mieux employée en quelque autre occaſion. Car enfin, je ne ſouffre point dans cette Cabane : mon ame n’eſtant pas plus grande qu’elle, y demeure en repos : & trouvant en ce petit coing de terre tout ce qui eſt neceſſaire pour n’avoir beſoin de perſonne ; j’y vy beaucoup plus heureux, que ceux qui habitent des Palais, & qui portent encore leurs deſirs plus loing. Mais ſage Cleanthe, luy dit Philoxipe, ne me direz vous point quelle fortune vous a amené icy, & preciſément de quelle condition vous eſtes ? Seigneur, reprit ce