Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/540

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Vieillard, je ſuis ſorty de Peres gens de bien, & d’une fortune médiocre : pour la mienne, vous voyez qu’elle eſt aſſez baſſe ; & je puis vous aſſurer, que ma vertu eſt aſſez commune. Diverſes raiſons trop longues à dire, m’ont obligé à quitter mon Païs ; & à chercher la ſolitude en cette Iſle, où il y a deſja long temps que je demeure. Mais, reprit Philoxique, ne craignez vous point que Policrite, que l’on peut apeller un Threſor, ne ſoit pas en aſſurance, en un lieu comme celuy cy ? Quand je tomberois d’accord, reſpondit Cleanthe, que Policrite ſeroit ce que vous dites, j’aurois encore à vous reſpondre, que puis que ce Threſor n’eſt sçeu que du Prince Philoxipe, je le tiens en ſeureté. Vous avez raiſon mon Pere, luy dit il, car je vous promets de vous proteger, contre tout ce qui voudroit vous nuire. Apres cela, Cleanthe luy ayant offert de ſe repoſer, il le fit entrer dans ſa Maiſon, où il trouva Megiſto femme de Cleanthe qui le reçeut avec une civilité qui luy fit bien connoiſtre que toute cette Famille n’avoit rien de ſauvage ny de ruſtique. Elle avoir aupres d’elle la jeune Policrite, & encore une autre Fille aſſez agreable, que Policrite nommoit ſa Sœur, & qui s’apelle Doride. Mais Dieux, que Philoxipe retrouva Policrite belle ce jour là, & qu’elle acheva puiſſamment de luy gagner le cœur ! Ses cheveux qui luy pendoient negligeamment ſur la gorge, qu’une Gaze aſſez tranſparente cachoit à demy, eſtoient ratachez vers le derriere de la teſte, par une Guirlande de fleurs d’Orange & de Grenadiers mefiées enſemble : au deſſous de laquelle pendoit un Voile fort clair, qui luy ſervoit à ſe cacher le viſage, quand elle alloit au Soleil, & qui donnoit beaucoup d’agrément à ſa Coëffure.