Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/549

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le Criſtal de nos Fontaines : & vous n’eſtes plus ce que vous eſtiez. Ha ma Sœur, repliqua Policrite, ſi ce que vous dittes eſt vray, j’y donneray bon ordre : & je ne verray plus Philoxipe que pour le mal traiter : afin que me haiſſant, je ne puiſſe pas l’aimer davantage.

Apres que ces deux jeunes Perſonncs ſe furent entretenües de cette ſorte au bord d’un petit Ruiſſeau, Cleanthe & Megiſto qui avoient changé de ſentimens & de reſolution y arriverent : & donnant une commiſſion à Doride pour l’eſloigner, Megiſto prenant la parole, Policrite, luy dit elle, il y a quelques jours que je vous dis qu’à cauſe de voſtre condition, vous ne deviez jamais regarder Philoxipe qu’aveque reſpect : Mais craignant que par l’inegalité que vous croyez eſtre entre vous & luy, vous ne luy ſoyez ſi obligée de ſon affection, qu’enfin vous ne veniez à l’eſtimer un peu trop : Cleanthe & moy avons reſolu de vous dire, qu’à cauſe de voſtre veritable condition, vous eſtes obligée à ne regarder jamais Philoxipe qu’avec beaucoup d’indifference. Car en un mot, pourſuivit Cleanthe, pour ne vous déguiſer plus la verité des choſes, vous eſtes ce que vous ne penſez pas eſtre : & nous femmes auſſi ce que vous ne sçavez pas, & ce que vous ne sçaviez meſme point encore, parce que les Dieux ne nous l’ont pas permis. Mais pour vous apprendre combien vous eſtes plus obligée que vous ne penſez à eſtre vertueuſe, sçachez Policrite, que vous eſtes d’un Sang ſi noble, qu’il n’y en a point de plus illuſtre en toute la Grece. Quoy mon Pere, luy dit Policrite en l’interrompant, je ne ſuis ce que j’ay touſjours creû eſtre ? Non ma fille, luy dit il, & conter des Rois parmy vos Anceſtres,