Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/550

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n’eſt pas la plus glorieuſe marque d’honneur dont vous puiſſiez vous vanter. Il y a quelque choſe de plus Grand dans voſtre Race que ce que je dis : c’eſt pourquoy j’ay creû à propos pour vous eſlever le cœur, de vous confier cét important ſecret, que je vous deſſends de réveler à perſonne : & pour vous faire mieux voir, combien vous eſtes obligée de ne rien faire indigne de la vertu de vos Peres, & de la condition en laquelle vous eſtes née. Policrite entendant parler Cleanthe de cette ſorte, en eut une joye extréme, quoy que ce ne fuſt pas une joye tranquile : car la curioſité de sçavoir un peu plus preciſément ce qu’on luy diſoit, luy donna beaucoup de peine. Mon Pere, luy dit elle, ne me laiſſez point dans une ſi cruelle inquietude : dites moy je vous prie un peu plus clairement, une ſi agreable verité : & ne me laiſſez plus ignorer ce que je ſuis. Les Dieux ma fille, reſpondit Megiſto, nous l’ayant deſſendu par la bouche d’un de leurs Oracles, il faut que vous vous contentiez de ce que nous vous avons dit. Mais ſervez vous en à deſſendre l’entrée de voſtre cœur à l’amour de Philoxipe : & bien loing de le regarder comme un Prince qui vous fait trop d’honneur : regardez le pluſtost comme un Prince à qui vous feriez grace de le ſouffrir. Ce n’eſt pas, adjouſta Cleanthe, que Philoxipe n’ait toutes les vertus & toutes les qualitez neceſſaires à un Grand Prince : mais c’eſt ma fille, qu’il y a une eſpece d’orgueil qui n’eſt pas inutile dans le cœur d’une jeune Perſonne, pour la deſſendre contre l’amour. Quand nous eſtimons ceux qui nous prient au deſſus de nous, il eſt difficile de les refuſer : où au contraire quand nous croyons au deſſous de nous ceux qui nous demandent, ou du moins nos égaux, nous leur refuſons