Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/553

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que ce fameux Peintre paſſant toutes les heures de ſon loiſir à errer parmy ces Montagnes, pour y deſigner quelques Paiſages, avoit un jour fortuitement eſté à leur petite Habitation : où l’ayant veüe, il avoit demandé à Cleanthe la permiſſion de la peindre. Que Cleanthe la luy avoit voulu refuſer : mais que voyant ſon opiniâtreté, il avoit eu peur qu’il n’allaſt luy parler d’elle à Clarie ; & que c’eſtoit pour quoy il le luy avoit permis : à condition de ne ſe ſervir de ce Portrait dans ſes Tableaux, que comme d’une teſte faite à plaiſir, & par imagination : luy faiſant jurer ſolemnellement, de ne parler jamais à perſonne ſans exception, de la connoiſſance qu’il avoit avec eux. Que depuis cela, tant que Mandrocle avoit eſté à Clarie, il luy eſtoit venu aprendre à deſſigner ; & avoit fait ſon Portrait de vingt façons differentes. Policrite demanda alors à Philoxipe ſi Mandrocle luy avoit parlé d’elle ? & il luy aprit la verité de la choſe. Mais, luy dit il, Policrite, vous voyez bien que la Deeſſe que vous repreſentez, n’a pas deſſein que vous ſoyez touſjours inhumaine : puis qu’elle a bien voulu paroiſtre ſous voſtre viſage. Seigneur, luy dit elle, comme je ne ſuis pas de voſtre Iſle, j’ay plus de devotion à Diane qu’à Venus Uranie : & ainſi ce n’eſt pas par cette raiſon, que vous me pouvez perſuader. joint que cette Deeſſe n’aprouvant que les paſſions innocentes, ne me conſeilleroit ſans doute jamais de ſouffrir la voſtre. La vertu meſme, reprit Philoxipe, vous l’ordonneroit : & vous vous le conſeilleriez vous meſme, ſi vous connoiſſïez bien mon cœur. Il faudroit, repliqua t’elle, un ſi long temps pour me le faire connoiſtre, que je ne vous conſeille pas de l’entreprendre. Mais enfin,