Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/565

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les divertiſſemens de la Cour : & que la Muſique, le Bal, la converſation & les promenades, ſeroient ſes occupations les plus frequentes. Ce que vous dittes, reſpondit le Roy, eſt bien dit, pour les paſſions ordinaires, ou pour les Amants heureux : Mais il eſt certaines paſſions bizarres, qui naiſſent parmy le chagrin ; qui s’y entretiennent, & qui fuyent meſme les plaiſirs. Ce qui m’embarraſſe un peu, pourſuivit il, c’eſt qu’enfin je ne puis imaginer de qui Philoxipe peut-eſtre amoureux, & en eſtre mal traité : car il n’y a ſans doute pas une Dame en tout mon Royaume, qui ne fut gloire d’avoir conqueſté ſon cœur. Et puis, reprenoit il encore, je n’ay point remarqué qu’il ſe ſoit attaché à la converſation de pas une en particulier : cependant inſailliblement Philoxipe eſt amoureux. Seigneur, luy repliquay-je, attendez à en parler ſi determinément, que vous en ayez de plus fortes prevues : & que vous ayez du moins de quoy conjecturer qui luy peut avoir donne de l’amour. Le Roy ſe mit alors à repaſſer toutes les femmes de la Cour l’une apres l’autre : & de toutes il trouva qu’il n’y avoit point d’apparence de le ſoubçonner d’en eſtre amoureux. Il ſe mit donc à ſe promener ſans rien dire : quelque temps apres je le vy rougir : & un moment en ſuitte il me parut fort inquiet. Leontidas, me dit il, vous sçavez plus que vous ne me dites. Seigneur, luy repliquay-je, je n’ay rien dit à voſtre Majeſté qui ne ſoit veritable : car enfin l’ambition de Philoxipe eſt ſatisfaite : il n’a point d’ennemis que je sçache : & ſi je ne me trompe, les plus belles Dames de voſtre Cour, n’ont pas grand pouvoir ſur ſon cœur. Ha Leontidas, me dit il, vous me déguiſez la verité : mais ſans que vous me la diſiez, je ne laiſſe pas de la sçavoir.