Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/566

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Ouy Leontidas, adjouſta t’il, Philoxipe a de l’amour : & de l’amour ſans doute qui trouble ſon ame : & de l’amour qu’il veut combatre & qu’il veut vaincre : & ſi ce que je penſe n’eſtoit point, il ne ſeroit pas un ſi grand ſecret de ſa paſſion. Mais Dieux, reprenoit ce Prince, que je ſuis malheureux ! & à quelle eſtrange extremité me voy-je reduit ? Car enfin Leontidas, me dit il, advoüez la verité. Philoxipe eſt devenu mon Rival malgré luy : & le déplaiſir qu’il en a, eſt ce qui fait tout ſon chagrin. Ha Seigneur (m’écriay-je, ſans avoir loiſir de raiſonner ſur ce que je diſois) je ne sçay point la cauſe du chagrin de Philoxipe : mais je sçay bien qu’il n’eſt point amoureux de la Princeſſe Aretaphile : & qu’il a trop de reſpect pour voſtre Majeſté, pour en avoir ſouffert la penſée dans ſon cœur. Songez bien Leontidas, reprit il, à ce que vous dites ; Vous m’aſſurez que vous ne sçavez point le ſujet de la melancolie de Philoxipe ; & vous sçavez pourtant bien qu’il n’eſt point mon Rival : Encore une fois Leontidas, ſi vous sçavez la choſe dites la moy : ou ſi vous ne la sçavez pas, advoüez que mes ſoubçons ſont bien fondez : & ne craignez pas que pour cela j’en veüille mal à Philoxipe : au contraire, je luy en auray plus d’obligation. Le diſcours du Roy me mit en une peine extréme : car enfin à moins que de violer tout ce qu’il y a de plus Sacré parmy nous, je ne pouvois reveler le ſecret de Philoxipe : qui m’avoit faitivrer plus de cent fois de n’en parler jamais. De conſentir auſſi que le Roy le ſoubçonnaſt d’eſtre ſon Rival, il me ſembloit que cela luy eſtoit d’une trop grande importance, pour le laiſſer en cette opinion : mais plus je luy voulois perſuader que