Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/571

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Seigneur, pourſuivit cét homme preſque les larmes aux yeux, je ne sçay que ce que je dis : mais je sçay bien que voſtre Majeſté perdra le plus fidelle de ſes Serviteurs, ſi elle perd le Prince mon Maiſtre. Pendant que cét Eſcuyer parloit de cette ſorte, je ſouffrois une peine eſtrange : car je voyois que tout ce qu’il diſoit, confirmoit le Roy en ſon opinion. J’avois beau vouloir luy faire ſigne, il ne me regardoit point, tant il eſtoit attentif à ce qu’il diſoit. Le Roy de ſon coſté ſoupiroit : & apres qu’il eut quitté cét Eſcuyer ; Et bien Leontidas, me dit il, vous voulez que Philoxipe ne ſoit pas amoureux, & qu’il n’aime pas Aretaphile ? Seigneur, luy dis-je, j’adjouë que je le crois encore ainſi : & je voudrois bien que voſtre Majeſté peuſt ſe reſoudre de le croire comme moy. Ha ! malheureux Philoxipe, s’eſcria le Roy ſans me reſpondre, quel pitoyable deſtin eſt le tien ! & que je ſuis infortuné moy meſme, de ne pouvoir te guerir abſolument du mal qui te poſſede ! Je voulus alors aller chercher Philoxipe, afin de pouvoir l’advertir des ſentimens du Roy auparavant qu’il le viſt : mais il ne voulut pas me le permettre ; & s’eſtant fait monſtrer le chemin que Philoxipe tenoit le plus ſouvent, nous fuſmes effectivement vers la Source de Clarie. Cependant Philoxipe eſtoit allé chez Cleanthe, où les choſes avoient un peu changé de face : eſtant certain que depuis que Policrite avoit sçeu que ſa condition n’eſtoit pas telle qu’elle l’avoit touſjours crevé ; le merite de Philoxipe avoit fait un plus grand progrés dans ſon cœur : & elle n’avoit pû ſi bien cacher ſes ſentimens, que Cleanthe & Megiſto ne s’en fuſſent aperçeus avec beaucoup de chagrin. C’eſtoit toutefois une choſe, qui ne rendoit pas Philoxipe