aux pieds de la Princeſſe Aretaphile qu’il faloit aller taſcher d’obtenir ſon pardon. Il ne voulut pourtant pas obliger ſi toſt ſon cher Philoxipe à retourner à Paphos : & il tarda encore le jour ſuivant à Clarie. Mais quoy qu’il n’y euſt nulle apparence de retrouver Policrite, Philoxipe ſupplia le Roy de ne laiſſer pas d’envoyer à tous les Ports de l’Iſle : afin de taſcher de sçavoir ſi Cleanthe ſe ſeroit embarqué en quelqu’un : eſtant aſſez aiſé d’en eſtre eſclaircy, à cauſe de ce nombre de femmes qu’il menoit, qui le rendoient remarquable. Le Roy luy dit qu’il feroit ce qu’il voudroit : mais qu’il le conjuroit auſſi, de ne luy refuſer pas d’aller à Paphos : pour luy aider à obtenir ſa grace de la Princeſſe Aretaphile. Philoxipe eut un ſensible deſplasir d’eſtre forcé de retourner à la Ville : Mais ayant tant d’obligation au Roy, & ce Prince n’eſtant mal avec la perſonne qu’il aimoit que pour l’amour de luy, il crüt qu’il devoit y aller, & en effet il y vint. Icy, Seigneur, admirez les caprices de l’amour : l’excès de la douleur de Philoxipe occuppa ſi fort ſon eſprit, qu’il ne ſe pleignit plus des maux du corps ny de ſa foibleſſe : et. ce meſme Prince qui trois jours auparavant eſtoit venu à Clarie en Lictiere, s’en retourna à cheval à Paphos.
Comme nous y fuſmes, le Roy alla le ſoir meſme chez la Princeſſe Aretaphile, qu’il rencontra ſans autre compagnie que celle de ſes femmes : elle le reçeut avec toute la civilité qu’elle devoit à ſa condition : mais auſſi avec toute la froideur d’une perſonne irritée. Comme elle vit Philoxipe avec le Roy, Seigneur, luy dit elle avec un ſous-rire malicieux, je vous avois bien dit que Philoxipe gueriroit ſans que je m’en meſlasse : Philoxipe, Madame, reſpondit il, eſt beaucoup plus malade que je ne le croyois :