Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de faire, mais il fit encore ce qu’il n’avoit jamais fait. Le Prince Tigrane se signa la aussi en cette occasion : Philidaspe à leur exemple, fit tout de que l’on pouvoit attendre d’un homme de grand cœur : & mon Maistre luy mesme m’a dit souvent, malgré la haine qu’il avoit pour luy, qu’il estoit digne d’une immortelle loüange. Il ne font donc pas s’estonner, si la plus petite Armée eut l’avantage sur la plus grande, ayant trois hommes il extraordinaires qui la soustenoient. Il faut pourtant avoüer que le gain de cette Bataille, apartint tout entier à Artamene : non seulement parce qu’il combatit cent fois plus vaillamment qu’aucun autre ; non seulement parce qu’il donna tous les ordres avec jugement ; non seulement parce qu’il anima les siens ; qu’il les s’allia quelquefois ; qu’il les soustint ; qu’il les deffendit ; & qu’il fut par tous les lieux où il estoit besoin d’estre ; mais encore parce qu’il fit une chose qui mit plus les Ennemis en déroutte, que tout ce que les autres avoient fait. Mon cher & invincible Maistre qui s’estoit resolu de vaincre ou de mourir : & de conserver d’autant plus soigneusement, tout l’honneur de sa premiere victoire, qu’il n’ignoroit pas que s’il perdoit la Bataille, il seroit accusé de l’avoir un peu legerement hazardée : Artamene, dis-je, voulant donc triompher ou se perdre ; ne s’amusoit pas en cette occasion, à choisir les Ennemis qu’il combattoit, & à espargner mesme leur sang, comme il faisoit presque tousjours : estant certain qu’en cent occasions differentes, il a mieux aimé s’exposer à estre blessé, pour tascher de prendre de vaillants hommes prisonniers, que de les tuer comme il le pouvoit aisément faire : mais en celle-cy, il attaquoit tout ce qui s’opposoit à son passage ; il blessoit tout ce