Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/63

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qui ne se rendoit pas ; & il soit tout ce qui luy resistoit opiniastrément. Rencontrant donc un gros de Cavalerie qui faisoit ferme ; il le charge, il l’enfonce ; & le met en suitte : sans prendre garde que le Roy de Pont, ce genereux Rival dont il estoit si estimé & si aimé, estoit celuy qui luy faisoit le plus de resistance. Mais enfin l’ayant blessé au bras droit ; & ce Prince se voyant hors de combat, & hors d’apparence d’estre desgagé par les siens, puis qu’il alloit estre envelopé par ceux d’Artamene ; se voyant, dis-je, en cet estat, & reconnoissant mon Maistre ; il aima mieux se rendre à luy qu’à aucun autre. Et dans cette pensée, se voyant pressé de toutes parts, & prest de perir ; il faut se rendre Artamene, il faut te ceder, luy cria ce Prince blessé, & il faut mesme te confesser en se rendant & en te cedant, que tu mérites de vaincre. A ces mots, Artamene le reconnoissant, s’approcha encore plus prés de luy : & voyant qu’il ne pouvoit plus soustenir son Espée, il escarta ceux qui le pressoient ; & l’abordant fort civilement ; Vous cedez plustost à ma fortune qu’à ma valeur, luy repliqua-t’il ; mais il faut du moins que j’use comme je dois de cette bonne fortune : & que je tasche de vous tesmoigner, qu’elle est accompagnée de quelque vertu. En disant cela, il se tourna vers Chrisante, qui combattoit alors aupres de luy : & luy remettant le Roy de Pont entre les mains, allez Chrisante, luy dit-il, allez conduire le Roy dans nostre Camp ; car il y fera mieux servy que dans le sien, où tout est en confusion : Mais ayez en soing, adjousta t’il, comme d’un Prince qui feroit nostre Vainqueur, si tous ses Soldats estoient aussi vaillants que luy. Chrisante obeïssant à son Maistre, & s’accompagnant de cent Cavaliers, se chargea de la conduite