Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/640

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qu’il y arriva des Femmes de qui l’on ne connoiſſoit point la condition : que l’on envoya en un Chaſteau qui eſt vers le Païs des Chaldées, & qui ne tarderent point à Artaxate. Non non, dit Ciaxare encore une fois, il ne faut point s’en informer davantage : Mandane eſt en Armenie, & il y faut aller porter la guerre. Et par conſequent (dit le Roy de Phrigie avec autant de generoſité que de bardieſſe) il faut aller tirer l’illuſtre Artamene de priſon ? Car, Seigneur, ſi vos Soldats ne le voyent point à leur teſte, & qu’ils le laiſſent à Sinope, ils marcheront lentement vers l’Armenie : & ne combatront peut-eſtre pas comme ils ont accouſtumé de combatre. auſſi bien, adjouſta le Roy d’Hircanie, ne crois-je point qu’il y ait une meilleure voye de ſe rendre les Dieux propices, que de proteger un homme qu’ils ont tant favoriſe. Ces deux Princes ne furent pas les ſeuls qui parlerent de cette ſorte : tout ce qui ſe trouva alors dans la Chambre de Ciaxare fit la meſme choſe : il ſembla meſme que la neceſſité preſente, l’emportaſt enfin ſur ſa reſolution paſſée ; & qu’il n’euſt plus deſſein de vouloir ſi opiniaſtrément sçavoir quelle avoit eſté l’intelligence d’Artamene avec le Roy d’Aſſirie ; de ſorte qu’il y avoit beaucoup d’aparence qu’il ſeroit bien toſt delivré. Le Roy des Medes ſouffrit qu’on le loüaſt en ſa preſence, ſans teſmoigner d’en eſtre fâché : il ne rejetta point les prieres qu’on luy fit : & ſans les accorder preciſément, il agit comme un homme qui avoit quelque confuſion de changer ſi toſt d’advis ; & comme un homme qui vouloit ſe reſerver l’avantage de faire la choſe par luy meſme, ſans y eſtre forcé par autruy : Ses ſentimens ayant eſté facilement reconnus par toute cette illuſtre Compagnie, on ne luy parla plus d’Artamene ; de peur de nuire