Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/76

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à ce que je vous mande, que quelques legeres marques de douleur & de pitié : ne me les refusez donc pas je vous en conjure : & pour me pardonner ma hardiesse, souvenez vous, s’il vous plaist, Madame, que si j’eusse vescu, vous eussiez peut-estre tousjours ignoré, ce que te ne vous ay apris qu’en entrant au Tombeau.

ARTAMENE.

Tant que la lecture de cette Lettre dura, les larmes de la Princesse se redoublerent de telle sorte, qu’elle fut contrainte de l’interrompre à diverses fois : Mais apres qu’elle eut achevé de lire, sentant bien qu’elle ne pourroit gueres mieux retenir ses plaintes que ses pleurs ; & ne voulant pas que je fusse le tesmoin de son excessive douleur ; Feraulas, me dit elle, vous voyez que je ne suis pas mesconnoissante ; & que je n’ay pas oublié que l’illustre Artamene avoit sauvé la vie du Roy mon Pere : puis que je m’afflige bien plus de sa perte, que je ne me resjoüis des glorieux avantages qu’il a r’emportez. Mais, adjousta-t’elle en soupirant, que pourroit-on moins faire pour luy, que de marquer par des larmes, un jour qu’il a rendu memorable par le gain de deux Batailles ; par la prise d’un Roy ennemy ; & par la paix qu’il donne à toute la Capadoce ? La Princesse ne pouvoit presque prononcer ces paroles, tant la douleur la pressoit : de sorte que pour demeurer avec plus de liberté ; allez, me dit elle, Feraulas, pleurer vostre illustre Maistre ; & revenez icy demain au matin, car je seray bien aise de vous revoir. Je fis alors une profonde reverence pour m’en aller : & l’estois desja la porte du Cabinet, lors qu’elle me r’apella, Feraulas,