Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/75

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la vie pour, vostre service. Mais Madame, comme il n’a pû s’exposer à vous desplaire tant qu’il a vescu, il n’a pu aussi se priver de la consolation qu’il reçoit, d’esperer que vous sçaurez du moins apres sa mort, qu’il n’a vescu que pour vous, & qu’il n’a adore que vous. Ouy, Madame, Artamene qui par sa naissance n’est pas absolument indigne de la Princesse de Capadoce ; se l’est si fort trouvé par ses deffauts, de la Princesse Mandane ; qu’il n’a jamais osé luy dire qu’il l’a aimée, dés le premier moment qu’il l’a veuë : & que son amour a fait tout le bonheur de ses armes, & tout le tourment de sa vie. Non, divine Princesse, ce n’a esté que pour vous, que je suis demeuré desguisé & inconnu dans cette Cour : que l’ay combattu ; que l’ay vaincu ; & que j’ay renoncé à tout le reste de la Terre : quoy qu’il y en ait une des plus nobles Parties, où je devois un jour commander. Ce qui m’afflige le plus presentement, c’est que je ne puis sçavoir si je mourray vainqueur ou vaincu : si c’est le premier, recevez sans vous irriter une declaration d’amour, qui ne vous est faite que par un homme qui vous aura donné la victoire au prix de son sang : & si c’est le dernier, pleignez du moins un malheureux, qui fera mort pour vostre service, & mort en vous adorant. Comme te n’ay jamais rien esperé, te pense que vostre vertu ne se doit pas offencer, de ma respectueuse passion : & que vous ne devez pas trouver mauvais que je vaut la descouvre, puis que la premiere fois que je vous en escris, fera la derniere que j’escriray en toute ma vie. Il m faut point, Madame, d’autre responce