Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/83

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Troupes en campagne, & ne reprist le Roy de Pont : il envoya le lendemain que je fus party de Sinope, un commandement à Philidaspe, d’amener ce Roy prisonnier à la Cour. De sorte que le jour d’apres que je fus arrivé au Camp, Philidaspe prenant six mille hommes, se mit en chemin pour le conduire luy mesme. Il laissa le commandement de l’Armée par les ordres de Ciaxare, à Artaxe frere d’Aribée : & s’en alla avec intention de triompher, & de profiter des glorieux travaux de mon illustre Maistre. Chrisante non plus que moy ne voulut point retourner à la Cour : & nous demeurasmes l’un & l’autre au Camp, pour continuer de nous informer tout le long de cette malheureuse riviere de Sangar, & par tous les lieux d’alentour, de ce que nous avions perdu ; & pour nous pleindre de nostre infortune. Le Prince Tigrane qui vit qu’il n’y avoir plus rien à faire à l’Armée, s’en retourna seul à Sinope, fort affligé de la perte d’Artamene. Pour Philidaspe, quelque genereux qu’il fust, je pense que s’il n’estoit pas bien aise de la mort d’Artamene ; il avoit du moins certains sentimens qui ressembloient assez à celuy-là : & qui produisoient à peu prés, les mesmes effets dans son cœur. Il partit donc du Camp, d’une façon qui n’estoit pas ordinaire, & qui estoit assez magnifique : pour le Roy de Pont, il avoit des agitations bien differentes dans son ame : car il avoit une extréme douleur de la perte de la Bataille ; beaucoup de desplaisir de la mort de celuy qui l’avoit gagnée ; quelque despit de suivre Philidaspe comme son Vainqueur, luy qui ne avoit pas esté ; & une extréme confusion, de paroistre vaincu & : prisonnier, devant la Princesse qu’il aimoit. Mais parmy tout cela, il avoit pourtant une secrette