Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/82

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mon Maistre a agy : & c’est à moy Madame, à executer ponctuellement ses dernieres volontez. Vous avez raison, dit elle, & j’ay tort de vous presser d’une chose injuste & inutile : il suffit que je sçache qu’Artamene estoit de naissance Royalle : & qu’il n’y a point de Prince au monde, quelque Grand qu’il puisse estre, qui ne deust desirer d’avoir un Fils qui luy ressemblast. Cependant, me dit elle, croyez Feraulas, & asseurez Chrisante, que tous ceux qui ont esté à l’illustre Artamene, doivent attendre toutes choses de la Princesse Mandane ; & que ce qu’elle n’a pas fait pour luy, elle le veut faire pour les siens. Vous estes trop genereuse, Madame, luy dis-je ; mais je vous ay desja dit, que nous ne demandons plus rien aux Dieux, que le corps de nostre cher Maistre ; & la gloire de nous enfermer dans son Tombeau. Ces paroles toucherent extraordinairement la Princesse : de sorte que me tendant la main, allez Feraulas, me dit elle, vous estes digne du Maistre que vous avez perdu : cherchez bien ces glorieuses & funestes reliques, que jusques icy vous n’avez pû trouver : & si vous les rencontrez, faites que l’on m’en advertisse : afin que l’oblige le Roy à rendre des honneurs funebres à Artamene, proportionnez à son merite, & aux services qu’il en a reçeus. Apres cela elle me congedia en soupirant, & voulut me faire donner des Pierreries : mais je les refusay, & je partis de Sinope pour m’en retourner au Camp : afin d’y errer du moins sur les pas de l’invincible Artamene, si je ne pouvois faire autre chose. Cependant comme le Roy, bien que tres affligé de la perte de mon Maistre, ne voulut pas pourtant perdre le fruit de toutes ses victoires ; & qu’il craignit que le Roy de Phrigie ne remist de nouvelles