Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/91

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Captif, en tout ce qui ne regardoit point son amour, ne manqua pas de luy rendre l’office qu’il desiroit. Car comme Ciaxare luy dit qu’il n’eust pas elle juste qu’il fust entré dans Sinope comme s’il n’avoit point vaincu : Artamene le supplia de vouloir luy accorder pour recompense de tous les services, que le Roy de Pont entrast de nuit aussi bien que luy. Il suffira Seigneur, luy dit il, que le peuple voye le butin & les autres prisonniers : sans augmenter le malheur d’un Grand Prince à qui j’ay de l’obligation, par une pompe inutile : & sans me couvrit moy mesme de confusion en mon particulier, par des honneurs que je ne merite pas. Le Roy eut beaucoup de peine à se resoudre à ce qu’il vouloit : mais enfin il falut qu’il cedast à celuy qui estoit si accoustumé à vaincre. Artamene supplia mesme Ciaxare, de vouloir voir le Roy de Pont son prisonnier : il le fit à la priere de mon Maistre ; & l’entreveuë de ces deux Princes ennemis, se fit avec toute la civilité possible de part & d’autre.

Cependant le Roy qui brûloit d’impatience de sçavoir où Artamene avoit esté ; comment il estoit échape, & revenu si heureusement & si à propos ; ne sçeut pas plustost par ses Chirurgiens qui avoient veû les blessures de mon Maistre pendant qu’il estoit allé voir le Roy de Pont, qu’elles estoient absolument sans danger ; qu’il l’en pressa extraordinairement. Il eust bien voulu se dispenser de ce recit, en un jour où il avoit l’esprit fort agité de diverses pensées : mais l’impatience de Ciaxare n’y pût consentir : & il falut qu’il luy racontait exactement, tout ce que je m’en vay vous dire, que j’ay sçeu depuis de sa propre bouche. Pour vous faire donc sçavoir ce qui estoit arrivé à