Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/90

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vous laisse à juger Seigneur, de quelle façon elle y fut reçeuë : le Roy en eut une joye que l’on ne sçauroit exprimer : & il se fit dire plus de cent fois la mesme chose, par celuy qui luy annonça cette agreable nouveauté. A l’instant mesme Ciaxare en envoya advertir la Princesse, qui en tesmoigna une satisfaction qui n’est pas imaginable : toute la Cour en fut ravie ; tout le peuple en fut transporté de plaisir : Aribée luy mesme fut contraint de faire semblant de se resjoüir, comme il avoit semblant de s’affliger : & le Prince Tigrane qui avoit fait dessein de s’en aller, differa son départ pour revoir Artamene : & ne s’en alla que quinze jours apres son retour. Le Roy qui voulut obliger mon Maistre, luy manda qu’il ne vouloit pas qu’il entrast dans la ville en tumulte & sans ceremonie : & qu’il luy ordonnoit de faire camper ses Troupes aupres d’un Chasteau qui n’est qu’à six stades d’icy, qui se rencontroit sur sa route, & où il vouloit qu’il logeast : l’assurant qu’il iroit l’embrasser là dés le mesme soir : en effet la chose alla comme il voulut, & il falut obeïr. Le Roy fut donc luy mesme mener ses Medecins & ses Chirurgiens à Artamene, qu’il carressa si extraordinairement, qu’il ne s’est jamais rien veû de semblable. Il reçeut aussi assez bien Philidaspe : mais non pas comme mon Maistre, qui avoit esté contraint de se mettre au lict, des qu’il avoit esté arrivé. Pour le Roy de Pont, il luy avoit fait donner le plus bel Apartement du Chasteau : & comme un peu auparavant que Ciaxare arrivast, ce Prince l’avoit prié de tascher d’obtenir du Roy, qu’il n’entrast point dans Sinope comme les autres prisonniers : mon Maistre qui croyoit ne pouvoir assez dignement reconnoistre la generosité de cét illustre