Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/96

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que la déroute de l’Armée dit Roy de Pont y avoit fait venir. Cependant quoy qu’Artamene n’eust pas eu la force de respondre à cette Dame qui l’avoit nommé Spitridate, il ne laissa pas de s’en souvenir, en revenant de cette foiblesse : Mais il fut bien estonné, lors qu’il vint à ouvrir les yeux, de voir qu’il estoit dans une belle Chambre ; dans un lict assez magnifique ; & quantité de Dames à l’entour de luy ; entre lesquelles il y en avoit une admirablement belle. Il vit aussi cette mesme personne qui l’avoit nommé Spitridate, mais il la vit toute en larmes : & pour les blessures qu’il avoit, & pour les Armes qu’elle luy avoit veuës. Mon Maistre malgré sa foiblesse, n’eut pas plustost recouvré la veüe & la raison, qu’il salüa ces Dames avec beaucoup de respect ; il voulut mesme parler, pour leur faire un compliment, & pour leur tesmoigner sa surprise : mais cette Dame avancée en âge le prevint : & luy dit en soupirant, helas est il possible que je vous revoye ; & que les Dieux en m’accordant ce bonheur, le meslent de tant d’amertume ? Car enfin je vous retrouve, apres avoir pleuré si long temps vostre absence : mais je vous retrouve blessé : & je vous retrouve avec des Armes qui font celles de nos Ennemis : & avec lesquelles vous avez peutestre tué vostre Pere ou vostre Frere (eux qui estoient à la Bataille, où sans doute vous vous elles trouvé, veû les marques que l’on vous en voit) car nous n’avons point encore de leurs nouvelles. Ha Spitridate ! quelque sujet de pleinte que vous pussiez avoir du Roy, il ne faloit point apres cinq années d’exil, revenir à vostre Patrie les armes à la main. Mon Maistre entendant parler cette Dame de cette sorte, en fut estranggement surpris : &