Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/101

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le trouvay à deux pas de ſa porte, noſtre converſation ne fut pas longue ; & je luy demanday la permiſſion d’aller prendre congé du reſte de ſa famille. Il me dit lors que Taxile ſa femme n’y eſtoit pas : mais qu’encore que Teleſile, fuſt ſeule, & un peu malade, il vouloit pourtant qu’elle me viſt : Et en effet il ordonna à une de ſes Femmes de me conduire à ſon Apartement. Diophante voulut me faire la ceremonie de m’y mener : mais je m’y oppoſay comme un homme, qui ne craignoit rien tant qu’un honneur ſi incommode que celuy là : & je penſe que s’il euſt pris garde aux complimens que je luy faiſois pour l’en empeſcher, il euſt aiſément remarqué que je me deffendois de ſa civilité avec un empreſſement & un chagrin, quy luy euſſent pû faire deviner une partie des mes ſentimens. Enfin il me quitta, & je fus par ſa permiſſion, dire adieu à Teleſile : je la trouvay heureuſement ſans autre compagnie que celle de deux filles qui la ſervoient. Comme ſon mal n’eſtoit pas grand. elle gardoit la chambre ſans garder le lict : & un peu de langueur qu’elle avoit dans les yeux, ne faiſant à ce qu’il me ſembloit, que la rendre encore plus aimable, je la trouvay ſi belle ce jour là, que le déplaiſir que j’avois de la quitter, en augmenta encore de beaucoup. Quoy qu’elle euſt eſté advertie que j’allois entrer dans ſa chambre, elle ne laiſſa pas de me teſmoigner d’en eſtre ſurprise : Thimocrate, me dit elle, d’où vient que vous me viſitez, quand perſonne ne me voit ? C’eſt Madame (luy dis-je en la ſalüant, & en m’approchant d’elle avec beaucoup de reſpect) que ne devant bientoſt plus vous voir, quand les autres vous verront, Diophante a trouvé juſte de m’accorder lu grace de pouvoir du moins vous dire adieu, auparavant que je