Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/103

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parce que vous n’en avez point : je le feray peut-eſtre en n’en prenant plus à voſtre joye. Comme la vangeance eſt douce, luy repliquay-je, & qu’il me ſemble remarquer qu’en effet vous voudriez bien me punir, je veux vous en donner une ample matiere : & vous apprendre que je ſuis preſentement, le plus malheureux de tous les hommes. Le plus malheureux ! (reprit elle malicieuſement ; car elle commença de s’apercevoir du deſſein que j’avois de luy parler de ma paſſion, qu’elle avoit deſja remarquée) ha Thimocrate, ſi cela eſt, ne me dites pas voſtre infortune ; car je ne vous haï pas aſſez pour m’en reſjoüir : & je ne me porte pas aſſez bien pour me pouvoir affliger, ſans haſarder ma ſanté ; qui à mon advis, eſtant genereux comme vous eſtes, ne vous doit pas eſtre indifferente. Je vous avois bien dit Madame, luy repliquay-je, que vous ne voudriez prendre de part qu’à mon bonheur : & que vous n’en voudriez point prendre à mes deſplaisirs. Mais comme je n’ay garde d’avoir la vanité de croire que mes plus violentes douleurs vous en puiſſent ſeulement donner de mediocres ; je ne feray nulle difficulté de vous deſcouvrir une partie de mes malheurs. Vous eſtes bien plus vindicatif que moy, reprit elle, car je me ſuis repentie un inſtant apres, du deſſein que j’avois de me vanger : & vous perſistez en celuy de me punir, d’une choſe où je n’ay penſé qu’un moment. Je ne cherche pas à me vanger, luy dis-je, au contraire je cherche à vous donner ſujet de vous vanger vous meſme : Non Thimocrate, me dit elle, je ne veux point que vous commenciez à me faire confidence, par une infortune qui vous ſoit arrivée : ny que vous m’apreniez ce que je ne sçay pas, s’il ne vous eſt point avantageux. Vous sçavez deſja ſans