Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/112

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Cette fille qui n’eſtoit pas fort riche, parce qu’elle n’eſtoit Sœur d’Androclide que du coſté de ſa Mere, qui ne l’eſtoit point du tout, eſcouta cette propoſition : & comme elle n’avoit plus de proches parens qu’Androclide (avec lequel elle ne demeuroit pourtant pas : car on l’avoit miſe chez une parente de ſon Frere qui n’eſtoit point la ſienne) elle ne demanda conſeil à perſonne ; & aſſurant Crantor de ſon conſentement, elle envoya un matin prier Androclide de l’aller voir, parce qu’elle avoit quelque choſe à luy dire. Mon Frere (luy dit elle, auſſi toſt qu’il entra dans ſa chambre) s’il eſt vray que vous aimiez fortement Teleſile, j’ay une grande nouvelle à vous aprendre : car enfin je sçay une voye infaillible de vous la faire eſpouser ſi je le veux. Ha ma chere Sœur, luy dit il, que ne vous deuray-je point, ſi les longues converſations que vous avez euës avec Crantor, peuvent l’avoir obligé à faire ce que la raiſon veut qu’il face ! Je vous demande pardon (luy dit il, ſans luy donner loiſir déparler) d’eſtre cauſe que vous entretenez ſi ſouvent un homme d’un autre Siecle : & de qui l’humeur avare n’eſt pas fort agreable ny fort divertiſſante. Mon Frere, dit elle, je voy bien que vous ne comprenez pas par quelle voye vous pouvez eſpouser Teleſile : & que vous ne sçavez pas encore tout ce qu’il faut que je face, pour vous la faire obtenir. C’eſt pourquoy il faut que je vous die, pourſuivit malicieuſement cette Fille, que ce ne peut eſtre qu’en me ſacrifiant abſolument pour vous ; & qu’en me privant de toute ſorte de plaiſir. Je ſeray bien malheureux, reprit Androclide, ſi ma felicité vous doit rendre infortunée : mais encore, luy dit il, quelle eſt cette bizarre voye que je ne puis imaginer ; C’eſt (