Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/114

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Crantor. Mon Frere, luy dit elle, s’il y avoit un autre remede à voſtre mal, je n’aurois pas recours à celuy là : mais n’y en ayant point d’autre, je ſuis allez genereuſe pour vous obliger malgré vous. Je sçay bien, luy dit elle encore, que dans le fonds de voſtre cœur, vous voudriez que je fuſſe deſja Femme de Crantor, afin de vous voir Mary de Teleſile : & que ce n’eſt que par generoſité, que vous vous oppoſez à une choſe que vous croyez qui ne me plaiſt pas. Car je ne penſe pas que vous me croiyez l’ame aſſez baſſe & aſſez intereſſée, adjouſta t’elle, pour trouver plus de ſatisfaction dans quelque richeſſe que poſſede Crantor, que de chagrin dans ſon humeur. De ſorte qu’eſtant perſuadée que vous ne pouvez eſtre heureux que par mon moyen ; je sçauray bien ſans vous obliger à y conſentir, prendre les voyes de vous ſatisfaire malgré vous. Ha ma Sœur, luy reſpondit il, je ne ſouffriray jamais une ſemblable choſe : & : ne conſiderez vous point l’extréme vieilleſſe de Crantor ; ſon humeur avare & chagrine, & tous ſes deffauts ? Mon Frere, luy dit elle, je ne veux regarder en cette rencontre, que la merveilleuſe beauté de Teleſile, de qui la poſſession vous rendra heureux. Androclide deſesperé d’entendre parler Atalie de cette ſorte, luy dit que puis que ce n’eſtoit que ſon intereſt qui la faiſoit agir : il la ſuplioit de conſiderer, qu’en eſpousant Crantor, elle cauſeroit un ſensible deſplaisir à Teleſile, puis qu’elle l’empeſcheroit d’eſtre la plus riche perſonne de toute la Phocide. Pour moy, luy dit il, ma Sœur, je ſerois touſjours heureux, par la ſeule beauté de Teleſile : mais je ne sçay pas ſi Teleſile ſe la trouveroit, ſans les threſors de Crantor : & ſi elle ne ſe vangeroit point ſur moy, du mal que vous luy