Aller au contenu

Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de luy faire croire que l’abſence m’avoit guery. Mais helas, qu’il fut trompé en ſon opinion car je ne fus de ma vie ſi amoureux que je l’eſtois alors. Je sçavois que Teleſile ne me haïſſoit pas : j’aprenois par Meleſandre, que mon abſence la touchoit : & je m’imaginois un ſi grand plaiſir à la revoir, que je ne penſois â autre choſe. Cependant je sçeus de certitude que mon Pere ne retourneroit de tres long temps à Delphes, s’il ne croyoit abſolument que je fuſſe guery de ma paſſion : je me fis donc violence ; & commençant de faire plus de viſites qu’à l’ordinaire (car nous eſtions dans une Ville où la Compagnie eſt aſſez grande & aſſez belle, ) je m’attachay à voir plus ſouvent que les autres, une Perſonne aſſez aimable ; mais pour laquelle je n’avois pourtant pas un ſentiment qui peuſt affoiblir la paſſion que j’avois pour Teleſile. Cette Fille avoit de l’eſprit ; mais c’eſtoit un eſprit melancolique & doux qui parloit peu ; qui reſvoit ſouvent ; & qui par conſequent me donnoit lieu de pouvoir plus commodément penſer à Teleſile, lors que j’eſtois aupres d’elle, que ſi j’euſſe eſté avec une Perſonne plus enjoüée & plus brillante. Les viſites que je luy rendis firent ſans doute l’effet que j’en attendois dans l’eſprit de mon Pere ; puis qu’il creut que je n’aimerois plus Teleſile, & que j’aimois Pheretime, c’eſt ainſi que cette Fille ſe nommoit. Mais comme il n’euſt guere plus approuvé cette ſeconde paſſion que la premiere, parce que Pheretime quoy que noble, n’eſtoit pourtant pas des plus illuſtres Races de ſon Païs ; il reſolut de retourner à Delphes. Cependant ſi cette innocente fourbe me reüſſit bien avec mon Pere, elle me reüſſit mal avec Teleſile : à laquelle Androclide, comme je l’ay sçeu