Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/136

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veux vous faire voir que je ne ſuis pas coupable du crime que je vous reproche : & que ce n’eſt pas l’eſtat preſent de ma fortune, qui me fait vous parler ſi fortement. Sçachez donc…… je confeſſe que lors que Teleſile en fut là, l’eus un battement de cœur eſtrange : je m’aprochay davantage de la Tapiſſerie : & je fis meſme aſſez de bruyt pour eſtre entendu : ſi ce n’euſt eſté que Teleſile eſtoit en colere, & qu’Androclide eſtoit fort interdit. Mais apres m’eſtre un peu remis, j’entendis que pourſuivant ſon diſcours, sçachez donc, luy dit elle encore une fois, que ce n’eſt point du tout par le changement avantageux qui eſt arrivé à mes affaires, que je vous traitte comme je fais : & que quand je ne ſerois que ce que j’eſtois il y a un mois, je ne vous pardonnerois pas ce que vous avez fait. Car en fin je ne puis jamais eſpouser qu’un homme que j’eſtimeray : & je ne puis jamais eſtimer celuy qui ne m’eſtime que par des choſes que je crois beaucoup au deſſous de moy. A peine Teleſile eut elle achevé de parler, que craignant qu’Androclide ne l’adouciſt par des ſoumissions, j’entray promptement dans la chambre : & ſurpris ſi fort mon Rival, qu’il ne ſe remit pas aiſément. Comme j’avois la joye dans le cœur, à cauſe de ce que j’avois entendu, ma converſation fut, ſi je l’oſe dire, plus agreable que celle d’Androclide : ce n’eſt pas qu’il ſentist avec delicateſſe les mépris de Teleſile, puis que ne l’aimant preſques que par conſideration, ſes ſentimens eſtoient ſans doute plus greffiers, & ſa douleur eſtoit moins vive. Joint qu’il eſperoit touſjours en Diophante : mais auſſi la honte de ſa mauvaiſe action l’interdiſoit, & faiſoit qu’il n’avoit pas la liberté de ſon eſprit. Pour moy il me ſembloit que je