ne la verrois que pour luy dire adieu. Mais pour achever promptement de vous apprendre mon malheur, je fus donc mené la nuit chez cette Parente de Meleſandre, où l’adorable Teleſile devoit venir le lendemain, ſuivie ſeulement de cette meſme Femme qui eſtoit de mes Amies, & de noſtre confidence ; car c’eſtoit dans ſon voiſinage. De vous dépeindre combien cette ſcrupuleuse vertu dont elle faiſoit profeſſion, luy donna de repugnance à cette viſite, il ne ſeroit pas facile : Elle entra dans la chambre où j’eſtois ſeul avec Meleſandre & ſa Parente, comme ſi elle euſt fait un crime effroyable ; & ne voulant pas en faire une fineſſe à cette Perſonne : que direz vous de moy, luy dit elle, de venir chez vous avec intention d’y quereller un de vos Amis ? Je diray (luy reſpondit elle, car nous luy avions dit la verité) que vous eſtes bien inhumaine, d’avoir voulu expoſer une vie qui vous doit eſtre auſſi chere que celle de Thimocrate. Madame (dis-je alors à Teleſile, ſans luy donner loiſir de reſpondre) pardonnez s’il vous plaiſt à la violence que je vous ay faite : croyez que ſi j’euſſe pû faire autrement, je n’aurois pas voulu forcer voſtre inclination. Apres cela nous nous aſſismes, & parlaſmes aſſez long temps du malheur qui m’eſtoit arrivé, & de l’opiniaſtreté de mes ennemis à me pourſuivre, ſans que Teleſile me donnaſt lieu de l’entretenir en particulier. Mais quelqu’un ayant voulu parler à la Parente de Meleſandre, pour quelque affaire aſſez importante : elle pria Teleſile de luy donner la permiſſion d’aller trouver ceux qui la demandoient dans une autre chambre. Si bien que ſans perdre temps, Madame (dis-je à Teleſile, pendant que Meleſandre fut vers les feneſtres entretenir la Fille
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