Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/146

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trompé. Car Thimocrate, j’ay ſi mauvaiſe opinion de tous les Hommes, que je ne sçay pas comment vous eſtes ſi bien avecque moy. Vous me comblez de gloire & de plaiſir, luy dis-je, en ne me refuſant pas ce que je vous ay demandé : Mais Madame, malgré une grace ſi douce & ſi glorieuſe que celle que vous venez de m’accorder, voſtre vertu m’épouvante : & je crains que ſi Diophante veut vous obliger à eſpouser Menecrate ; je crains, dis-je, que Thimocrate abſent ne ſoit pas aſſez puiſſant dans voſtre cœur, pour vous empeſcher de luy obeïr. Thimocrate, me dit elle alors, il me ſemble que vous deviez vous contenter de ce que je vous avois dit, ſans me forcer comme vous faites à ne vous reſpondre pas agreablement. Ha Madame (luy dis-je tout tranſporté de douleur) je vous entens bien : vous ne choiſirez pas Menecrate, mais vous le recevrez il Diophante le veut. S’il le veut abſolument, reprit elle, il faudra bien s’y reſoudre : cela eſtant, luy dis-je, il ne faut plus ſonger à me faire partir de Delphes : j’y demeureray Madame, j’y demeureray : & quoy que vous me puiſſiez dire, je ne m’éloigneray jamais de vous dans une ſi cruelle incertitude. Mais Thimocrate, dit elle, vous avez perdu la raiſon, de parler comme vous faites : Mais inhumaine Teleſile, luy repliquay-je vous avez perdu la bonté, de me reſpondre comme vous me reſpondez. Car enfin que voulez vous que devienne un homme qui vous adore ; & qui s’en allât vous laiſſera dans la diſposition d’eſpouser ſans repugnance celuy de tous ſes Rivaux qu’il plaira à Diophante de vous propoſer ? De quoy voulez vous, cruelle Perſonne, que je tire quelque conſolation, pendant une ſi rigoureuſe abſence ? Me ſouviendray-je agreablement de voſtre