Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

beauté, dans la penſée qu’elle fera peut-eſtre la felicité de Menecrate ? Me ſouviendray-je avec plaiſir de la douceur que vous avez eue pour moy en diverſes occaſions, dans la crainte que j’auray que vous ne ſoyez obligée de m’eſtre eternellement rigoureuſe ? Me ſouviendray-je avec ſatisfaction des favorables paroles que je viens d’entendre, dans la penſée de ne les entendre peut-eſtre plus ? Enfin Madame, pourray-je vivre éloigné de vous, dans une incertitude ſi eſtrange ? Non, je ne le pourrois pas : & j’aime mieux mourit devant vos yeux, & par les mains de mes ennemis, que de m’en aller de cette ſorte. Mais encore, dit elle, Thimocrate, que pretendez vous ? Je ne demande pas, Madame, luy dis-je, que vous promettiez au malheureux Thimocrate de l’eſpouser : mais je demande que vous luy aſſuriez que tant que ſon exil durera, vous n’eſpouserez ny Menecrate, ny pas un de ceux qui vous adorent, ou qui vous peuvent adorer. Vous voulez tellement prendre vos ſeuretez (dit elle en ſousriant, malgré la melancolie qui paroiſſoit dans ſes yeux) que quand ceux avec qui vous traittez vous auroient trompé en quelque choſe, vous ne pourriez pas faire autrement. Mais apres tout Thimocrate (dit elle prenant un viſage fort ſerieux) tout ce que je puis eſt de vous dire, que je feray tout ce que la bien-ſeance me permettra de faire pour rompre tous les deſſeins que mon Pere pourroit avoir de me marier : Mais de vouloir que je vous promette de me des-honnorer, en deſobeïſſant ouvertement à mon Pere, c’eſt ce que je ne feray pas. Et peut-eſtre (me dit elle preſques contre ſon intention) que ſi vous vous en rendez digne par une obeïſſance aveugle, je feray plus que je ne vous promettray. Mais enfin