Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/164

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Portrait, il a ſans doute tout ce que je luy pourrois ſouhaitter ; ſi je voulois choiſir un Amy agreable ; un Galant accompli ; ou un Mary tres parfait. Et Philiſte, reprit la Princeſſe, a ſans doute auſſi tout ce qu’il faut, pour conquerir le cœur d’un auſſi honneſte homme que Philocles paroiſt l’eſtre, par ce que m’en dit la Princeſſe de Corinthe. Mais, luy dit elle, Philiſte, il ne ſeroit pas juſte, qu’eſtant venu libre, il s’en retournaſt Eſclave : c’eſt pourquoy j’ay preſque envie de n’obeïr point au Prince mon Pere, qui m’ordonne de m’en retourner demain. Ha Madame, luy dit alors Philiſte, ne me deſesperez pas s’il vous plaiſt : car je vous aſſure que je ne sçay pas trop bien ſi je pourrois demeurer aupres de vous, ſi vous ne vous en retourniez point ; j’ay une forte impatience de connoiſtre un homme comme on vous repreſente celuy là. Ce fut de cette ſorte que ces deux Perſonnes ſe divertirent en parlant de moy : car la Princeſſe des Lindes me l’a raconté depuis. Mais pour demeurer dans les termes que je me ſuis preſcrit au commencement de mon diſcours : je vous diray donc que le reſte de ce jour là, & celuy qui le ſuivit, je fus le ſujet de l’enjouëment de Philiſte, qui ne parla que de moy : & tant que le chemin dura, mon Nom entretint toute la Compagnie. Les Filles de la Princeſſe faiſoient la guerre à Philiſte : & teſmoignoient toutes une ſi forte envie de me connoiſtre, que je penſe que ſi j’euſſe sçeu ce qui ſe paſſoit, je m’en ſerois retourné à Corinthe, ſans voir la Princeſſe des Lindes. Enfin elle arriva à Jaliſſe : il eſt vray que ce fut ſi extraordinairement tard, à cauſe de quelque accident qui eſtoit arrivé à ſes Chariots ; que paſſant devant le logis de Philiſte elle l’y laiſſa, quelque reſistance que par reſpect elle luy peuſt