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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/187

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Dieux sçavent, luy dis-je, quelle peine j’ay à m’y reſoudre : Et les Dieux sçavent (reſpondit elle en ſoupirant à demy) ſi vous avez raiſon de prendre cette reſolution. Mais que pourrois-je faire ? luy dis-je ; car enfin ſi Philiſte continuë de croire que je vous aime, ne m’aimera jamais : & voſtre beauté eſt ſi grande, que je ne pourrois pas la détromper, ſi j’attendois plus long temps à le faire. Joint auſſi, luy dis-je encore, aimable Steſilée, que quand l’intereſt de ma paſſion n’y ſeroit pas, le voſtre me devroit touſjours obliger à me priver de voſtre veuë. Car puis qu’il n’a pas pleû au Deſtin que mon cœur peuſt eſtre à vous ; je n’ay garde de contribuer rien à cette croyance que le monde a priſe : & j’ay une amitié trop veritable pour vous, pour me ſervir d’une feinte paſſion qui vous pourroit nuire. De ſorte que je ſuis l’homme de toute la Terre le plus affligé : de voir que de peur de déplaire à une perſonne qui ne m’aime pas : je ſuis forcé d’en quitter une autre, qui m’a donné cent teſmoignages de bonté ; & qui a ſans doute encore celle de me pleindre de ce dernier malheur. Je vous en pleins veritablement, repliqua telle en rougiſſant, & peut-eſtre plus que je ne devrois : Mais je m’en pleins auſſi bien que vous, pourſuivit elle ; car enfin s’il eſt vray que la Cour croye que vous eſtes amoureux de moy, quels contes n’y fera t’on pas à mon deſavantage, ſi vous ceſſez de me voir ainſi tout d’un coup ? Ne penſera t’on pas que vous avez voulu vous moquer de Steſilée, ou que nous en uſons de cette ſorte par fineſſe ? Non non Philocles, il ne faut pas que la choſe change ſi promptement : ou ſi vous voulez qu’elle aille ainſi, il faut que du moins pour ma gloire il paroiſſe que je vous aye