Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/197

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alla à tel excés, qu’elle ne me pouvoit plus ſouffrir. Cependant je ne laiſſois pas d’agir comme ſi je n’euſſe point perdu l’eſperance : je cultivois l’amitié de ſon frere ; & celle d’Alaſis fort ſoigneusement : & je l’aquis de telle ſorte, qu’ils teſmoignoient l’un & l’autre ouvertement, qu’ils euſſent eſté bi ? aiſes que l’euſſe eſpousé Philiſte. Mon Oncle qui ſouhaittoit cette alliance, & qui sçavoit que j’eſtois fort amoureux de cette Perſonne, leur en fit parler, apres en avoir eſcrit à mon Pere : & ne m’en parla à moy, qu’apres qu’ils eurent reſpondu favorablement. Ainſi je ne voyois nul obſtacle à mon bonheur que la ſeule Philiſte : mais il eſtoit ſi grand, qu’il en eſtoit invincible. En effet, ſon Pere ne luy eut pas pluſtost commandé de me regarder comme celuy qui devoit eſtre ſon Mary : & ne luy eut pas plus toſt teſmoigné qu’il vouloit eſtre obeï ſans reſistance, qu’elle entra en un deſespoir extréme. Elle employa Steſilée aupres de ſon frere, mais ce fut inutilement : & elle sçeut enfin que ſes larmes, ſes pleintes, & ſes prieres ſeroient inutiles. Cependant comme il s’épandit un aſſez grand bruit de ce Mariage dans la Cour, tout le monde s’en reſjoüiſſoit pour l’amour de moy : & tout le monde fut chez elle pour luy en faire compliment. Mais pour éviter une ſemblable perſecution, elle feignit de ſe trouver mal durant quelques jours : & par cét artifice malicieux, elle me priva de ſa veuë auſſi bien que les autres. Steſilée pendant cela, eſtoit touſjours aupres d’elle : où par un ſentiment que l’on ne sçauroit exprimer, elle me nuiſoit autant qu’elle pouvoit, & ſervoit Antigene à mon prejudice. Comme le chagrin de Philiſte fut tres violent, elle devint malade effectivement en feignant de l’eſtre : & elle