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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/20

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Ils furent donc en diligence chez Hidaſpe, afin d’aviſer quel remede l’on pouvoit aporter à un mal ſi preſſant, & de ſi grande importance : puis qu’il s’agiſſoit de la vie du plus illuſtre Prince de la Terre. La crainte qu’ils avoient euë de ne pouvoir ſortir du Chaſteau, ſe trouva meſme mal fondée : Car Metrobate s’étoit contenté de faire donner les ordres du Roy aux portes de la Ville ; pour faire que perſonne n’euſt la liberté de venir du Camp à Sinope ; & que perſonne auſſi ne peuſt aller de Sinope au Camp. Tons ces genereux Protecteurs du plus genereux de tous les Princes, & meſme de tous les hommes ; ne furent pas pluſtost chez Hidaſpe, que cét illuſtre Perſan leur adreſſant la parole avec precipitation ; Seigneurs ; leur dit il, ſoit que vous regardiez Cyrus comme Artamene, ou Artamene comme Cyrus, vous eſtes tous obligez de le ſauver s’il eſt poſſible. Il n’y en a pas un d’entre vous qu’il n’ait obligé : & par conſequent pas un d’entre vous qui ne luy doive ſon aſſistance. Pour nous autres Perſans (dit il parlant d’Aduſius, d’Artabaſe, de Madate, & de luy) nous ſerions des laſches ſi nous n’eſtions pas reſolus de mourir tous pour ſauver ſa vie, ou pour vanger ſa mort. Mais, Seigneurs (s’il m’eſt permis de parler ainſi, dans l’ardeur du zele qui m’emporte) vous ſeriez tous injuſtes, pour ne pas dire ingrats, ſi vous ne faiſiez la meſme choſe que nous. Pour vous autres (adjouſta t’il regardant Ariobante, Megabiſe, & Aglatidas) qui eſtes nais ſubjets naturels de Ciaxare, quand l’intereſt de Cyrus ne vous toucheroit point, la gloire du Roy voſtre Maiſtre vous devroit touſjours toucher : & vous devriez faire toutes choſes poſſibles pour l’empeſcher de reſpandre un ſang, qui tout pur qu’il eſt,