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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/200

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m’imaginois preſques que je le pourrois faire : Mais helas à peine avois-je pris la reſolution de n’aller plus chez elle, que mes pas m’y conduiſoient malgré moy. Antigene eſtoit cependant touſjours abſent : & je n’avois que la ſeule Philiſte pour cauſe de mes inquietudes.

Un jour que je fus chez elle, & que contre ſa couſtume Steſilée n’y eſtoit pas : apres que quelques Dames que j’y trouvay s’en furent allées, nous fuſmes l’un & l’autre quelque temps ſans parler : Philiſte révant tres profondément ſans me regarder, & moy la regardant touſjours, ſans oſer preſques commencer de l’entretenir. Je voyois ſur ſon viſage une alteration ſi grande, que j’en eſtois tout eſmeu : Mais lors qu’elle vint à lever les yeux, & que je les vy tous couverts de larmes, qu’elle ne pouvoit qu’à peine retenir, quoy qu’elle fiſt tout ce qui luy eſtoit poſſible pour cela ; j’en fus ſi ſensiblement touché, que l’on ne peut l’eſtre davantage. Madame, luy dis-je tout hors de moy ; oſerois-je prendre la liberté da vous demander, ſi ces larmes que je voy, ont une cauſe que je puiſſe sçavoir ? Vous pouvez meſme encore plus, dit elle avec une action languiſſante ? car vous les pouvez faire tarir. Moy Madame ! luy dis-je ; ouy, reprit elle, & ſi vous eſtiez auſſi genereux que vous devriez l’eſtre, je ſerois bien-toſt en repos, & vous auſſi. Car enfin, pourſuivit elle, pourquoy ne me haïſſez vous pas ? Mais Madame, luy repliquay-je, pourquoy m’aimez vous point ? c’eſt parce que je ne le puis, dit elle ; & c’eſt par cette meſme raiſon, luy dis-je, que je ne sçaurois non plus ceſſer de vous aimer, que vous ceſſer de me haïr. Connoiſſez du moins, dit elle, par cette impoſſibilité, que je ne ſuis pas coupable : connoiſſez auſſi par la meſme raiſon, luy reſpondis-je, que je ſuis