Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/204

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t’elle ; le voulez vous ainſi ? (luy dis-je, l’eſprit remply de colere, de jalouſie & d’amour tout enſemble) je vous l’ay deſja dit, reſpondit elle : puis que cela eſt, pourſuivis-je, sçachez que vous pouvez vous delivrer du malheureux Philocles. Il ne vous perſecutera plus ; & ne vous verra meſme plus ſi vous voulez : & par quelle voye, dit elle, puis-je obtenir un ſi grand bonheur ? en rompant avec Antigene, luy dis-je, & en me promettant ſolemnellement de ne le voir jamais non plus que moy. Car de s’imaginer que je vous quitte, & que je vous laiſſe en eſtat de paſſer cent heureux jours avec mon Rival, c’eſt ce qui n’arrivera jamais. Je sçay bien, Madame, que je ſors en quelque façon du reſpect que je vous dois : Mais quiconque n’a plus de raiſon, n’eſt plus aſſubjetti à aucune bien-ſeance. Parlez donc Madame : voulez vous que Philocles ne vous voye plus ? vous le pouvez preſentement. Quand vous ſeriez mon Mary, reprit elle, que pourriez vous faire davantage que ce que vous faites ? Si je poſſedois cét honneur, luy dis-je, je me confierois à voſtre vertu : Mais n’eſtant que l’objet de voſtre averſion, je ne me dois fier qu’à moy meſme. Ainſi Madame, ſi vous voulez que je n’oblige pas Alaſis à vous forcer d’accomplir la parole qu’il m’a donnée : eſcrivez une lettre à Antigene, qui luy deffende abſolument de vous voir à ſon retour, & je vous laiſſeray en paix. A condition toutefois, que la promeſſe que vous me ferez ſera ſincere : & que vous n’eſpouserez jamais Antigene. Vous me dittes de ſi eſtranges choſes, me reſpondit elle, qui je ne sçay comment je les puis endurer : Vous m’en reſpondez de ſi cruelles, repliquay-je, que je m’eſtonne comment je les puis entendre ſans mourir.