Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/203

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que pour luy donner la place qu’on luy deſtine. Cependant sçachez que c’eſt ce qui n’arrivera jamais : Antigene a eſte mon Amy, il eſt vray ; mais dés qu’il a eſté mon Rival, il a deû ſe preparer à voir rompre tous les nœuds de cette amitié. J’ay retenu juſques icy mon reſſentiment : je l’ay veû favoriſé, je l’ay veû aimé : mais je ne le verray point Mary de Philiſte. C’eſt pourquoy ſi ce n’eſt que pour vous donner à Antigene, que vous voulez vous oſter à Philocles, changez de deſſein Philiſte : & pour obliger Philocles à n’attaquer pas Antigene, rendez-le heureux. Il faudroit que les Dieux changeaſſent mon cœur, reſpondit elle ; & comme je ne penſe pas qu’ils le faſſent, tout ce que je puis eſt de vous dire, que quand Antigene ne ſeroit plus au monde, & que je ne l’aurois jamais connu, je ſerois pour vous ce que je ſuis. Mais avoüez du moins la verité, luy dis-je, Antigene auroit la gloire d’eſtre choiſi par la belle Philiſte, ſi Alaſis y conſentoit : je ſuis trop ſincere, repliqua t’elle, pour vous nier ce que vous dittes. Ha cruelle Perſonne, luy dis-je, voulez vous me deſesperer ? Mais vous meſme Philocles, dit elle, voulez vous me faire perdre la raiſon ? Quel droit avez vous ſur mes volontez ? vous ay-je donné quelque eſperance, depuis le temps que je vous connois ? Non, luy dis-je, mais vous m’avez donné beaucoup d’amour. En ſuis-je coupable ? reprit elle ; & ne vous ay-je pas prié mille fois, de n’en avoir plus pour moy ? Enfin dit elle encore, tout ce que vous me pourriez dire ſeroit inutile : car je ne ſeray jamais à Philocles. Et je jure par les Dieux, interrompis-je, qu’Antigene ne ſera jamais poſſesseur de Philiſte, tant que Philocles ſera vivant. J’aimeray encore mieux ce malheur là que l’autre, repliqua