Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/22

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Royaumes. Enfin il fut reſolu que l’on taſcheroit de faire ſortir quelqu’un par deſſus les murailles de la ville avec des cordes : afin d’aller au Camp faire sçavoir aux Perſans, que le fils unique de leur Roy eſtoit en danger de mourir, s’ils ne le ſecouroient promptement : eſperant qu’en ſuitte toute l’Armée viendroit aux portes de Sinope : & que cela pourroit obliger Ciaxare à n’agir pas avec tant de precipitation. Que cependant Ariobante & Megabiſe retourneroient dans le Chaſteau, afin de les advertir s’ils pouvoient, de tout ce qui s’y paſſeroit : & de voir encore s’ils ne pourroient point fléchir le Roy. Que de leur coſté ils aſſembleroient tout ce qu’ils avoient d’Amis dans la ville, en attendant que l’Armée arrivaſt : pour ſe tenir preſts de tout entreprendre, s’ils aprenoient qu’il en fuſt beſoin : & pour ſouslever le peuple, s’il ne s’y trouvoit point d’autre remede. Mais ils connurent bien toſt que leurs ſoins n’eſtoient pas neceſſaires pour cela : car comme on les avoit veus ſortir en tumulte du Chaſteau, & qu’en traverſant les rues on les avoit entendu nommer pluſieurs fois Artamene, & parler comme des perſonnes qui avoient quelque choſe de faſcheux dans l’eſprit : en un moment tout le peuple de Sinope avoit paſſé de l’eſperance à la crainte, & de la joye à la douleur : de ſorte que l’on voyoit dans toute la ville une emotion ſi grande, qu’il n’y avoit perſonne qui fiſt ce qu’il avoit accouſtumé de faire. Les Artiſans ne travailloient plus ; les Femmes parloient en diverſes troupes parmi les ruës ; les Marchands alloient ſur le port raiſonner entr’eux ſur l’affaire dont il s’agiſſoit ; les gens de qualité alloient chercher chez ces Rois & chez ces Princes, à