Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/231

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pas qu’il y ait jamais eu de felicité égale à la mienne. On ne parloit donc que de Feſtes & de plaiſirs : tous les preparatifs de noſtre Mariage eſtoient faits, tant pour le feſtin qui devoit eſtre ſuperbe, que pour les habillemens qui eſtoient magnifiques, pour les Jeux publics qui devoient eſtre ſolemnels, ou pour le Bal qui devoit eſtre general durant trois jours. Enfin ce jour que je croyois devoir eſtre ſi heureux pour moy arriva : & je vy le matin Leontine parée admirablement : qui toute modeſte qu’elle eſtoit, eut pourtant la bonté de me faire voir durant un moment dans ſes yeux, qu’elle prenoit quelque part à ma joye. Elle fut conduitte au Temple par ſon Pere, ſuivie de toutes les Dames de la Ville : & je l’y attendis, ſuivant la couſtume, accompagné de tous mes Amis. Mais à peine fut elle arrivée au pied de l’Autel, qu’elle fut priſe, à ce qu’elle dit, d’un battement de cœur effroyable : un moment apres elle s’aſſit, ne pouvant plus demeurer à genoux ; & ſe trouvant tres mal, elle fut contrainte de ſe plaindre à celles de ſes parentes qui eſtoient les plus proches d’elle. Comme je la regardois touſjours, je la vy rougir tout d’un coup ; & je remarquay enfin qu’elle eſtoit malade : Mais helas, pourquoy m’arreſter plus long temps à des circonſtances inutiles ! Leontine ne pût achever la ceremonie : elle eut la bonté de m’en faire excuſe : on la reporta chez elle dans une chaize : où un grand tremblement l’ayant priſe, la fiévre ſuivit bien toſt. Et malgré ſa jeuneſſe, & tout l’art des Medecins ; & malgré tous mes vœux, le ſeptiesme jour elle fut malade à l’extremité. Vous jugez bien qu’en l’eſtat qu’eſtoient les choſes, j’eus la liberté de la voir durant ſon mal,