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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/230

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amour d’elle : comme effectivement elle ne me haïſſoit pas, elle changea ſa forme de vivre avec Antigene, & aveque moy : elle me donna ce qu’elle luy oſtoit : & s’il n’euſt eſté obligé de partir de Thebes bien toſt apres ; il euſt eſprouvé à ſon tour, quelle eſt la douleur d’en voir un autre plus aimé que ſoy. Je touchay donc le cœur de Leontine : elle ſouffrit que je luy parlaſſe de ma paſſion : & elle m’avoüa enfin que ſi ſes Parents y conſentoient, elle prefereroit le ſejour de la Cilicie, à celuy de la Grece, quoy que ce ſoient des Païs bien differents en beauté. Je ne fus pourtant pas ſans traverſes : car le Pere de Leontine ne vouloir point marier ſa fille hors de ſa Patrie : & il n’eſt point de ſuplice que je n’aye eſprouvé par cét obſtacle, qui paroiſſoit invincible : puis que ſi le Pere de Leontine ne vouloit pas donner ſa fille à un Eſtranger, le Prince de Cilicie mon Frere n’euſt pas ſouffert non plus, que je fuſſe demeuré ſimple Citoyen de Thebes. J’eus donc le deſplaisir de voir Leontine perſecutée par ſes Parens pour l’amour de moy : ayant enfin connu que la reſistance qu’ils faiſoient à mes deſſeins, l’affligeoit ſensiblement. Cependant apres mille & mille traverſes, Polimnis entreprit la choſe ſi ardemment, qu’il ſurmonta cét obſtacle : & fit reſoudre les Parens de Leontine à me la donner, pourveû que le Prince de Cilicie conſentist à mon Mariage. J’envoyay auſſi toſt vers luy : & par l’entremiſe de la Princeſſe ma Mere qui eſtoit de Thebes, l’obtins ſon conſentement. Me voila donc le plus heureux de tous les hommes : jamais Leontine n’avoit eſte ſi belle qu’elle eſtoit : & comme elle vivoit alors aveque moy avec plus de franchiſe qu’à l’ordinaire, elle me fit voir dans ſon ame des ſentimens qui m’eſtoient ſi avantageux, que je ne penſe