Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/241

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regarder les Galeres gagnées ſur les Ennemis : & les autres moins curieuſes & plus ſolitaires, regarder ſeulement du coſté de la pleine Mer. Quelques unes faiſoient cent civilitez à quelques Capitaines qu’elles n’avoient point encore veûs depuis leur retour : quelques autres s’attachoient à une converſation plus particuliere : quelques unes encore ſans avoir autre deſſein que de voir & d’eſtre veuës, ſe promenoient par troupes : & toutes enſemble n’avoient autre intention que de ſe divertir, & de paſſer le ſoir agreablement. Theanor n’eſtoit pas peu occupé à me nommer toutes les belles : car pour les autres je luy eſpargnois cette peine, en ne m’informant pas qui elles eſtoient. Comme ce divertiſſement m’eſtoit nouveau, & qu’il y avoit long temps que je n’avois veu de Dames, je ne pouvois me reſoudre à me retirer qu’il ne fuſt fort tard : cependant la nuit venant peu à peu, à peine ſe pouvoit on plus connoiſtre. Neantmoins il ne laiſſoit pas d’arriver encore des gens ; parce que la Lune alloit commencer de ſe lever. Theanor m’ayant quitté pour parler à quelques Dames, je me promenay quelque temps ſeul : & apres divers tours marchant derriere deux hommes que je creus ne connoiſtre pas, je vy briller & tomber quelque choſe de la poche d’un des deux. Mon premier ſentiment fut de le luy dire : mais ſans sçavoir la raiſon pourquoy, le ſecond fut de relever ce que j’avois veu tomber, & puis de le luy rendre quand j’aurois veu ce que c’eſtoit. Je me baiſſay donc en diligence ; & trouvant à terre ce que j’y cherchois, je vy, autant que l’obſcurité me le pouvoit permettre, que c’eſtoit une Boiſte de Portrait.

Le temps que je fus à la relever ; à regarder ce que c’eſtoit ; & à reſoudre