Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/242

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moy meſme ſi je verrois ce qui eſtoit dedans au clair de la Lune, auparavant que de la rendre, ou ſi je la rendrois ſans la voir ; fit que celuy qui avoit perdu cette Boiſte, ſe meſla parmi d’autres perſonnes : ſi bien qu’au lieu de voir encore deux hommes devant moy : j’y vy pluſieurs Dames : & par conſequent je me vy dans l’impoſſibilité de rendre ce que j’avois trouvé à celuy qui l’avoit perdu. Je cherchay apres cela Theanor, pour luy raconter mon avanture : mais l’obſcurité nous ſepara ſi bien, que je ne pûs le rejoindre : & ſans attendre, comme beaucoup d’autres firent, que la Lune qui ſe levoit eſclairast encore davantage, je m’en allay en diligence à une Maiſon où j’avois loge en abordant à Samos : & où ſuivant mes ordres mes gens m’attendoient. J’y fus donc fort promptement, & avec aſſez de curioſité de voir ce que j’avois trouvé : je ne fus pas pluſtost dans ma chambre, que m’apprachant de la Table & des flambeaux, je me mis à regarder cette Boiſte, que j’avois tirée de ma poche dés le haut de l’Eſcalier, afin de ne perdre point de temps : & je vy qu’elle eſtoit d’or, avec un cercle de Rubis & de Diamants tout à l’entour que je ne m’arreſtay gueres à regarder, quoy qu’ils fuſſent tres beaux. Mais l’ayant ouverte en diligence, je fus bien plus eſbloüy de l’eſclattante beauté que je trouvay dedans, que je ne j’avois eſté des Pierreries qui ornoient cette Boiſte. J’y vis donc un Portrait d’une jeune & belle Perſonne : mais un Portrait ſi vivant, que je jugeay bien qu’il eſtoit impoſſible que ce fuſt un Portrait flatté. Il eſtoit touché hardiment, quoy qu’il fuſt pourtant tres fin ; & l’on voyoit bien par l’excellence de l’Art, que le Peintre avoit pris plaiſir à travailler d’apres un ſi beau Modelle. Auſſi