Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/247

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le Portrait d’Alcidamie : & il me reſpondoit touſjours, que cette curioſité inutile devoit du inoins eſtre bien intentionné : & que quand il le sçauroit il ne me le diroit jamais, ſi je ne luy promettois auparavant de bien uſer de cette connoiſſance, & ne deſobliger point Alcidamie. Comme je ne penſois pas encore eſtre fort amoureux, je luy promettois tout ce qu’il vouloit : de ſorte qu’à quelques jours de là, il vint un matin dans ma chambre ; & feignant d’eſtre bien aiſe, Leontidas, me dit il, j’ay enfin deſcouvert à qui appartient le Portrait que vous avez trouvé : & il eſt à une perſonne de ſi grande importance, que vous devez eſtre ravi de luy pouvoir donner la joye de le revoir. Je rougis au diſcours de Theanor, qui me voyant changer de couleur, en changea auſſi : & me demanda pourquoy je ne le remerciois pas de s’eſtre mis en eſtat de pouvoir ſatisfaire ma curioſité ; C’eſt, luy reſpondis-je, Theanor, que j’ay changé de ſentimens : & que je crains preſentement autant de sçavoir à qui eſt cette Peinture, que je j’ay deſiré, parce que je ne puis plus me reſoudre à la rendre. Je m’y ſuis pourtant engagé, reſpondit Theanor tout ſurpris : car je n’ay pas creû que vous vouluſſiez sçavoir a qui elle eſtoit, avec autre deſſein que celuy de faire cette action de juſtice. Mais, luy dis-je, encore Theanor, à qui eſt cette Peinture ? Je ne ſuis plus en termes de vous le dire, repliqua-t’il, puis que vous ne la voulez point rendre : car la perſonne qui m’a permis de vous confier ſon ſecret, ne me l’a permis qu’à condition que vous luy rendiſſiez ce qui eſt à elle : autrement il n’eſt pas juſte de vous aprendre une choſe auſſi ſecrette que celle là. Mais, luy dis-je, celuy à qui eſt