Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/257

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me trouvay aſſez heureux durant quelques momens, d’avoir pû faire sçavoir que j’aimois : mais venant à repaſſer tout ce qu’Alcidamie m’avoit dit, il me ſembloit avoir remarqué, qu’elle n’avoit jamais nommé Theanor ſans changer de viſage : & qu’enfin je n’avois pas lieu de douter qu’elle ne l’aimaſt, ce qui me donnoit une inquietude eſtrange. Si je n’euſſe point eu d’obligation à Theanor, j’euſſe cherché des voyes plus violentes de m’éclaircir avec que luy, que celle que je prenois : mais luy devant autant que je faiſois, je ne sçavois quelle reſolution prendre ; & j’eſtois tres malheureux. Que me ſert, diſois-je, d’avoir le Portrait d’Alcidamie, ſi Theanor poſſede ſon cœur ? Quittons donc, quittons un deſſein qui nous fera faire cent laſchetez inutilement Mais peut-eſtre, diſois-je en ſuitte, ce Portrait eſt il dérobé : Mais s’il eſt dérobé, adjouſtois-je, il l’eſt touſjours par un homme amoureux d’Alcidamie : & quoy que ce fuſt un grand bonheur pour moy, que la choſe fuſt ſeulement ainſi ; ce m’eſt touſjours un grand malheur d’eſtre Rival d’un homme qui m’a obligé. Cependant Theanor n’avoit pas l’ame moins en peine que moy : car il faut que vous vous ſouveniez que je vous ay deſja dit qu’il avoit aimé, & qu’il aimoit encore paſſionnément Alcidamie : de laquelle il n’avoit jamais pû obtenir la moindre choſe, comme je l’ay sçeu depuis. Ce n’eſt pas que le Portrait que j’avois trouvé ne fuſt à luy : mais c’eſt qu’il ne luy avoit pas eſté donné par Alcidamie ; qui ne sçavoit pas meſme qu’il l’euſt. Car il faut que vous apreniez, que cette belle Perſonne avoit fait faire ſon Portrait, pour le donner à une de ſes Amies nommée Acaſte : & qu’elle l’avoit