Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/260

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retour. Alcidamie de ſon coſté, qui eſt fort glorieuſe, trouva tres mauvais qu’il euſt eu la hardieſſe de faire ce larcin : & le traitta fort mal, toutes les fois qu’il luy voulut parler, apres qu’il fut revenu. Comme elle vivoit tres civilement avec Theanor, quoy qu’elle ne le favoriſast pas : elle s’en pleignit à luy comme aux autres, & luy teſmoigna ſe tenir tellement offencée de la hardieſſe de Timeſias, qu’il n’eut jamais celle de luy dire que c’eſtoit luy qui avoit fait ce precieux larcin, de peur de ſe charger de la haine qu’il voyoit qu’elle avoit pour ſon Rival : qui eſt le meſme qui devint mon ennemi dés le premier jour que j’arrivay à Samos. Voila donc de quelle façon Theanor ſans eſtre favoriſé, avoit eu le Portrait d’Alcidamie : car j’ay sçeu toutes ces choſes bien preciſément depuis ce temps là : & voila auſſi la raiſon pourquoy il ne pouvoit ſe reſoudre à me dire que ce Portrait fuſt à luy : parce qu’il sçavoit de certitude, qu’Alcidamie le haïroit, dés qu’elle sçauroit la choſe. D’abord ma ſeule jeuneſſe l’en empeſcha : mais en ſuitte apprenant que j’eſtois amoureux d’Alcidamie, il creut qu’il eſtoit bon que je m’imaginaſſe qu’elle aimoit, & qu’elle avoit donné ce Portrait à quelqu’un : eſperant que cela m’obligeroit à me delivrer de cette paſſion. Il ne pouvoit pourtant ſe reſoudre à me dire ce menſonge ouvertement : & il me le laiſſoit ſeulement croire ſans m en deſabuser. De plus, il jugeoit bien qu’encore qu’il m’euſt advoüé qu’il aimoit Alcidamie, je n’euſſe pas ceſſé de l’aimer, apres ce que je luy avois dit : ſi bien que ne voulant pas me donner des armes pour le combattre, & pour le deſtruire dans ſon eſprit, en m’avoüant