Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/263

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veux sçavoir de vous, & qui m’importe extrémement. Je ne sçay pas, luy repliquay-je, ſi je vous diray la verité que vous voulez sçavoir : Mais je sçay du moins que je ne vous diray pas un menſonge. Aprenez moy donc, reſpondit il, qui vous a donné un Portrait d’Alcidamie, que le hazard vient de me faire voir entre vos mains, en me promenant de l’autre coſté de cette Paliſſade. Bien que la curioſité, luy dis-je, que vous avez de regarder ce que je fais, ne meritaſt peut-eſtre pas tant de ſincerité : je vous diray touteſfois, que la Fortune toute ſeule me l’a donné, & que je n’en ay obligation à perſonne. Timeſias entendant cette reſponce, creût que je ne voulois pas luy dire ce qu’il vouloit sçavoir : de ſorte que s’en faſchant, je sçay bien, me reſpondit-il, que vous le devez tenir de la Fortune, pluſtost que de l’incomparable Alcidamie, qui ſans doute ne vous l’a pas donné : Mais je demande par quelles mains cette aveugle Fortune l’a mis entre les voſtres. Comme je ne me ſuis pas obligé (luy reſpondis-je l’eſprit fort irrité, parce qu’il me vint un ſoubçon que Timeſias eſtoit mon Rival) de vous dire toutes les veritez que je sçay : & qu’en qualité d’homme d’honneur, je ne ſuis ſeulement engagé qu’à ne vous dire pas un menſonge : je ne vous diray plus rien du tout ; & vous en penſerez ce qu’il vous plaira. Vous me direz pourtant, repliqua t’il bruſquement, de qui vous avez eu cette Peinture : Leontidas, reſpondis-je en le regardant fierement, n’eſt guere accouſtumé de dire ce qu’il ne veut pas que l’on sçache : principalement à des gens qu’il ne met pas au nombre de ſes Amis. Auſſi eſt-ce comme voſtre ennemy (me repliqua t’il en mettant l’Eſpée à la main) que je veux vous faire avoüer qui vous