Leontidas, me dit il, ne vous eſtonnnez pas du chagrin de Timeſias : car par la magnificence des Pierreries dont cette Boiſte eſt ornée, il s’eſt ſans doute imaginé que vous eſtiez peut-eſtre ſon Rival ; quis qu’on ne fait gueres une telle deſpence pour une Perſonne indifferente. Seigneur, luy repliquay-je, j’ay trouvé ce Portrait dans la Boiſte où vous le voyez : mais pour montrer que je ne ſuis pas avare, je ſuis preſt de la rendre ſans peinture à Timeſias, ſi c’eſt luy qui l’a perduë. Polycrate craignant que ce diſcours n’aigriſt la converſation, nous commanda alors abſolument de nous embraſſer : ce que nous fiſmes ſans incivilité, quoy que ce fuſt aſſez froidement. En ſuitte de quoy me rendant le Portrait d’Alcidamie, apres avoir conſideré avec autant d’attention que s’il n’euſt jamais veû la Perſonne qu’il repreſentoit : il me dit en riant qu’un Amant d’Alcidamie ſeroit bien heureux d’eſtre en ma place : & d’avoir obtenu de la Fortune, ce qui ne ſeroit pas ſi aiſé d’obtenir d’elle. En ſuitte il fut chez la Princeſſe ſa Sœur où il voulut que j’allaſſe : mais pour Timeſias, il ſe retira bien faſché que ſon combat n’euſt pas eſté plus heureux : & bien aiſe touteſfois de s’imaginer que ce qu’il avoit fait pourroit deſabuser Alcidamie. La choſe n’alla pourtant pas ainſi : car effectivement cette belle Perſonne s’imagina touſjours, que Timeſias avoit autreſfois pris ce Portrait, & l’avoit perdu depuis en ſe promenant : & que c’eſtoit ſeulement pour le recouvrer qu’il s’eſtoit battu contre moy.
Je vous laiſſe à juger quel bruit fit cette avanture dans la Cour : comme nous arrivaſmes chez la Princeſſe où Theanor ne vint pas, on l’y sçavoit deſja : parce que quelqu’un de la compagnie avoit devancé le Prince, & l’y avoit