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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/271

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intelligence : & en effet Polycrate avoit fait la guerre à Alcidamie, de ce qu’elle avoit avoüé que je luy avois parlé d’amour : & luy avoit dit pour m’obliger, qu’il croyoit qu’effectivement je fuſſe amoureux d’elle. Mais pour l’eſprouver, luy dit il, obſtinez vous tout aujourd’huy à vouloir qu’il vous rende voſtre Portrait. Comment, luy dit elle. Seigneur, tout aujourd’huy ! (luy parlant touſjours bas) ce ſera toute ma vie, ou du moins juſques à ce qu’il me l’ait rendu. Cependant comme je n’avois pas oüy ce qu’il avoit dit ; & que tant que dura encore la converſation, je vy Polycrate ſous-rire à diverſes fois, en attendant Alcidamie qui me preſſoit de luy rendre ſa Peinture, j’en eus quelque legere inquietude : Mais enfin comme la Princeſſe eſtoit de mon parti, & qu’elle eſtoit ravie que l’amitié que Polycrate me teſmoignoit, euſt diminué celle qu’il avoit eue autreſfois pour Timeſias qu’elle n’aimoit point : elle dit qu’abſolument elle ne permettroit pas que je rendiſſe cette Peinture. Car (dit elle obligeamment pour moy a Alcidamie) vous n’y avez plus de droit, puis que vous l’avez donnée à Acaſte : elle n’y en a non plus que vous, puis qu’elle l’a perduë par ſa negligence : & Leontidas y en a plus que vous deux, puis qu’il l’a trouvée par ſa bonne fortune, qu’il l’a conquiſe par ſa valeur ; qu’il empeſchera bien que celuy qui l’a priſe, quel qu’il ſoit, ne la poſſede jamais : & que de plus il la merite. Polycrate qui vouloit encore ſe divertir, dit alors à Herſilée qu’il ſeroit beaucoup plus juſte que ce Portrait demeuraſt en ſes mains : Mais ſans luy donner loiſir d’en dire les raiſons, l’arreſt de la Princeſſe fut ſuivi : Alcidamie declarant pourtant touſjours, ſans